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Scène 2

Les mêmes, plus Malhonne

 

                            Malhonne

Gente demoiselle et nobles seigneurs, permettez-moi de vous saluer…

 

                            Michel de Heime

Monsieur, je vous salue à mon tour, mais sachez que vous faites erreur. Si la demoiselle que voici est fort gentille, nous ne saurions, en revanche, être considérés comme nobles, nous autres que voilà. Nous sommes, hélas ! croyez-le bien, gens de la plus basse extraction.

                           Malhonne

Vous dites qu’il y aurait méprise ? Le croirez-vous : je vous tenais pour gentilhomme !

                             Michel de Heime

Voilà qui est fort drôle, et nous amuse mes amis et moi. Si, si, vraiment. (il rit en faisant signe aux autres de rire aussi.)

 

                           Malhonne

Vous me faites plaisir de rire, messieurs. En de telles situations, on voit peu d’hommes joyeux. Ne croyez-vous pas, monsieur  Heime?

 

                           Michel de Heime

Si fait, monsieur…

 

                               Malhonne

Si j’ai bien compris ce que disait votre curé, monsieur Heime, vous… écrivez ?

 

                               Michel de Heime

Oui  monsieur, je suis philosophe de mon état.

 

                               Malhonne

Et bien, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue, monsieur le  philosophe. Je me présente : Bertrand Malhonne, brigand de son état, chef de ces joyeux compères qui vous ravirent la liberté.

 

                              Michel de Heime

Je ne peux pas totalement me déclarer ravi de faire votre connaissance, monsieur le brigand. J’eusse, en vérité, souhaité d’autres circonstances à notre rencontre, mais on ne choisit pas toujours son hasard, n’est-ce pas ?

 

                                Malhonne

On ne choisit pas toujours son hasard… belle formule, en vérité, belle formule.

(Malhonne ou la désillusion des voyageurs)

                                                         Prologue du prologue

  

                 Peut-on tuer par amour ? et si oui, combien de fois ? l’amour a-t-il une fin ? est-ce qu’elle justifie les moyens ? peut-on faire plein d’omelettes sans avoir d’œufs à casser ? Dieu est-il mon frère ? je vous choque ou pas ? la condition de la prostituée est-elle nettement plus enviable que celle de l’épouse légitime dans les sociétés occidentales avancées ? du point de vue, petit a, de l’assiduité sexuelle du mâle, petit b, de l’obligation maternelle, petit c, du rata à confectionner chaque soir même-si-c’est-lui-qui-fait-la-vaisselle ? l’homme est-il autre chose qu’un éternel immigré de la troisième génération ? et si non, d’où lui vient sa tentation permanente de fuir ses responsabilités ? Voici, mesdames, messieurs, quelques-unes des questions auxquelles vous n’aviez jamais songé, dont vous vous moquez comme de votre premier soutien-gorge et auxquelles, nonobstant, il va être répondu au cours de ce spectacle. Je vous souhaite une soirée !

(Tout amour qui meurt est un cheval cabré)

                                 (Pour tout décor, une chaise)

   

Bonjour !

On …

(il tend la main comme pour serrer celle d’un interlocuteur)

Non ? On se … pas ?

Bon !

Bon !

C’est par … hygiène sans doute ?

Hygiène physique et mentale ?

Faut pas se toucher, pas se saisir, pas se livrer ?

Faut pas courir de risques ?

Moi, ça m’étonne toujours un peu

Vous me voyez ? Je suis plutôt du genre méditerranéen.

Du genre métèque, vous voyez ? 

Alors moi, dans la vie

D’ordinaire

D’habitude

Je touche, je tâte, je pelote :

J’en ai besoin.

Chez moi, on s’embrasse avant de se parler.

On s’embrasse avant d’exister.

On s’embrasse avant de sortir du ventre de sa mère.

Maman ? Tu m’entends, maman ?

T’es prête ? Que je sorte pas pour rien !

Ceci dit, je comprends.

Je veux dire, l’hygiène, tout ça, pas salir, pas risquer.

Je comprends.

C’est un peu… nécessaire, peut-être ?

Vous avez des principes ?

Conscience, remords, déontologie, et tout le toutim ?

C’est bien dans votre métier.

Un peu pisse-froid mais bien.

Genre : je suis pas bandant comme mec, mais je suis bien.

Faut choisir, hein ? Soit on fait mouiller la culotte des filles, soit on assèche le porte-monnaie des clients.

Les deux à la fois, perso, j’aurais bien aimé. Mais c’est un marché restreint.

Très restreint.

(Pour un peu faudrait s'excuser d'exister)

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