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Croire au crépuscule

 

 

 

Comme un débris de brume

Encore en un ciel bleu

Juste un cil de la nuit s’en vient toucher un peu

Les paupières du jour

 

Une frange de cheveux noirs qui balaye un front blanc

Puis le regard se lève

Le soleil se déhanche

Et tous les oiseaux crient

 

Ça vous fait dans l’azur

Des déchets de dentelle sur des chairs déchirées

Et comme un coup de gomme où passait le pastel

 

Et puis la pluie

Une petite pluie capricieuse et futile

Enlarme l’étendue et soulage le vent

 

Vous savez vous aussi

Aux heures d’amertume

Ce qu’il faut d’infini

Pour croire au crépuscule

S’apaiser d’un sourire

 

 

 

Un espoir

Un tout petit espoir de mai

Comme un muguet

 

C’est le printemps qui prend ses aises et qui s’allonge nu

Sur la grève des jours

L’air vous a des parfums de chaleur

Dont frémit sa narine

Et sa main caresse l’eau

Comme on touche un visage

 

Ça fait du bien Ça rafraîchit

Tu sais l’eau qu’on puise à la main

Dans le torrent en montagne

Après qu’on ait marché des heures

Ou bien le fruit brûlant d’été

Dont se déchire la chair

Sous la lèvre et la dent

 

Ce n’est rien Je te l’accorde

Ce n’est rien

Pas même l’oiseau Pas même le duvet

Mais à peine la plume

Abandonnée

 

C’est le battement du pouls

Au poignet de l’enfant

Et qui dit la vie Dit la vie Dit la vie

 

Mais il faut savoir des fois

S’apaiser d’un sourire

Et n’en vouloir rien de plus

Blanc et gris

 

 

 

Il règne autour de nous

Je ne sais quoi de gris

Comme un brouillard d’Utrillo

La neige d’un Goya

De ces  bribes qui gênent

Le regard et l’esprit

 

On danse On se déhanche On meurt

Dans le même roulis Sur le même tempo

Défigurés d’orgueil et bouffis de remords

Tant et si bien que le corps

A mesure devient la ronde qu’il dansait

 

Vous savez bien ces flocons d’enfance

Qui mettent toute une vie pour tapisser nos pensées

Le flocon d’être beau

Le flocon d’être aimé

Dans l’air ils sont vivants

Tout frémissants d’envie

Sur le sol on les oublie

 

Et l’on n’aura vécu

Du tout premier baiser à la dernière des larmes

Que pour voir disparaître

Des petits bouts de gris

Dans un grand lit de blanc

 

Pendant ce temps les éclipses

Ont des prénoms de femmes

 

Sans elles

 

 

Je suis seul à présent Je suis seul Tu vois bien

Comme d’avoir perdu je ne sais à quel jeu

De hasard ou de mots D’adresse ou bien de dupes

Seul Et ça ne me fait vraiment ni froid ni froid

 

Pourtant tu te souviens comme je fus cristal

Papier de soie qu’on froisse à la pulpe des doigts

Feuille au vent déjà L’automne encore loin

Pourtant tu te souviens comme je fus de paille

 

Ma main Rien que ma main se faisait tremblement

Quand ta main la quittait Ne fut-ce qu’un instant

Pourtant tu t’en souviens je me faisais frisson

De voir venir la nuit sans prononcer ton nom

 

Je suis seul aujourd’hui comme on est rassuré

Mon cœur n’est à personne et ma vie m’appartient

Le si chétif oiseau d’être encore vivant

Le tout petit moineau picorant du présent

 

Je m’endors chaque soir dans un lit solitaire

Pas un prénom de femme au théâtre des rêves

Et quand vient le matin lorsque je me réveille

Le miroir seulement me donne le bonjour

 

A peine s’il m’arrive Et ce n’est pas souvent

D’écraser sous le doigt comme un début de larme

L’embryon d’un regret Le spectre d’une peine

Je n’ai plus à pleurer ce qui n’est que passé

 

Me restent mes amis Me restent mes enfants

A peine une famille On s’en passe très bien

Et je vais partout seul accompagné par moi

Voyageant librement jusqu’à l’Afrique d’Etre

 

Et je laisse glisser sur moi l’eau du temps

Comme un torrent glacé quand on est en montagne

Et qu’il a fait trop chaud Et qu’on a trop marché

Le lourd flux bienfaisant qui vous mâche la chair

 

Je me sens plus léger plus posé plus entier

Je n’ai plus d’elles mais je peux toujours voler

Comme si désormais dans mon désert secret

L’amour ne disait rien mais que je parle enfin

 

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